2012/05/02

  


Tu m’as donné ton horizon et j’ai roulé sur tout ton corps. Suivi tes veines, parcourant les contours de ta peau. Gouter les jours sur tes parfums que l’heure changeait d’un coup de vent. Dans des creux de rides, je me guidais des lignes de tes mains d’où coulaient de longs cours d’eau. De cols drus et de déserts mirages, j’ai parcouru tes failles suivant des continents entiers. Voyagé ton dos, tes montagnes vertébrales, et les fuseaux horaires défilaient comme les saisons d’ailleurs. J’ai dormi à même ta peau, vagabondant ton corps voulant voir toujours plus loin. Posé mon regard au-delà de ton visage. Tu m’as donné envie d’aller voir d’avantage.

  Le temps est au défaitisme, à l’urgence de te venir en aide. Tous te plaignent, comptent à rebours ta mort prochaine. Mais suis-je fou de dire que tu es magnifique. Je t’ai vu immense, vaste et forte. Je t’ai préféré lorsque tu étais seule. Mise à nue, tu es la muse de tous vivants. Un corps qui prend du pire à mesure que l’humain entre dans ta vie…

J’ai roulé à même le pouls de ton envergure.
Je te dis merci…Merci pour tout…Merci pour toi…

2012/05/01

Mes papillons



 C’est dans un excès de papillons au ventre, le feu aux roués, que j’aboutis une Dehli de la victoire. J’ai touché mon horizon. Atteint mon but, ma ligne de fond. Savourer la fin, le corps électrisé dans la dernière étape. Le cœur heureux mais surtout fier. Fier d’une belle traversée. Un long voyage qui déjà prend fin. Je n’imagine plus Dehli, je la respire…

 Être complice du soleil, le corps bouillant dans l’air du jour me manquera. La fraîcheur du vent sur mon visage dans l’extase de l’effort me manquera.  Cette fatigue du corps, douce douleur des muscles, que des endorphines apaisent me manquera. Valser ce trafic fou, voguer vastes campagnes me manquera. Laisser divaguer ma tête pendant que mon corps se dépense me manquera. Mes mains qui élancent, la faim qui me travaille et l’horizon mènant ailleurs me manquera. Passer des lacets; un col. Pousser des déserts; le vent. Descendre vers la mer me manquera. Traverser des paysages le souffle court de voir si beau. Ces terres devenues souvenirs désormais m’habitent. La distance s’est faite estampe sur ma peau. Des rides aux yeux pour toutes preuves. Pour m’assurer que je n’ai pas rêvé.

 Cette traversée pour n’en faire que quelques mots fut grandiose… majestueuse. Comme tu étais belle dans tes robes de saisons. N’étant unique il y en aura d’autres, je le sais trop bien. Ce feu qui bouille en moi me le rappelle de ces braises. Un chapitre se termine. La bourlingue continue ailleurs et différente. Mais toujours ces papillons, qui de leurs ailes chatouillent mes passions, font et feront battre mon cœur encore longtemps.

Je roule sur le monde qui tourne sur lui-même.
C’était beau!

2012/04/26





 Le pouls d’un pays parfois fait peur de battre un sang si différent de ses propres souches. L’apprivoiser, prendre son temps, jusqu’à ce qu’il batte une mesure proche de la sienne. Pour certain, voir beaucoup, l’essence du voyage n’est en rien la découverte d’une culture. Mais le confort d’être ailleurs avec semblable à soi.

 Accoster des villes que des livres encensent et guident des hordes sur des chemins précis d’un seul sens. Des endroits, lavés du vrai, que le tourisme de masse a pris d’assaut il y a longtemps. N’est en faute personne de ces villes-creuses où le visiteur est devenu l’attraction même. Où le dépaysement se fait minime. Des boutiques du souvenir forment désormais le cœur des villes que tous portent à l’achat. L’excitation des yeux nous vident les poches. Perdre son identité à trop vouloir plaire. L’authenticité s’est diluée de trop s’être adapté à l’Occident.

 De pareils endroits font le grand nombre. Loin du contraire je les aime bien. L’ai apprécies pour faire le plein de conversations entre personnes de même coutumes. Ne rien faire d’autre qu’un pacha dans l’ombre. Souffler un brin, manger et boire. Échanger mon livre pour un meilleur. Le temps de me rerefaire la forme. Puis repartir de plus belle pour ce bouillon souvent très cru. Dans ses endroits les plus connus la folie de l’Inde à disparue. S’est effacé pour le confort qui ne reflète en rien la réalité de ce pays. Dans la bourlingue, ma dépendance, de deux chemins je prends le plus sauvage.


2012/04/20




  C’est un pays grouillant d’individus qui frise le milliard. Un endroit comme nul part où la misère fait les coins ronds.  Une campagne clémente à peu près calme perd du terrain. Débordent de ce trop-plein bouillant des villes peuplées jusqu’à n’en fendre. Des familles entières abritent les rues, siègent les viaducs. Y vivent dans des maisons bancales de toiles, de tôles, de ce qu’ils trouvent. S’alignent et se succèdent des bidonvilles là où il y  encore de l’espace. Abrillé de feuilles de cartons, des centaines dorment à même le sol avec pour seule berceuse la cacophonie constante d’un trafic fou. Des feux de plastique éclairent la nuit. Faire d’un trottoir sa cuisine et l’eau à boire n’en parlons pas…

 C’est une folie de toutes couleurs et le silence s’en fut ailleurs. Les femmes, loin du voilées, montrent de grands morceaux de peau dans l’air du jour. Point rouge au front, la marche lente, elles cachent le peu de rupes qu’elles ont entre un sein et leur sari. Clochettes aux pieds, bijoux au nez, elles sont si belles dans ces tissus légers.

 C’est une nation de toutes classes, de bien des castes… full religions! Où les enfants se baignent dans des eaux troubles et laiteuses avec des vaches difformes d’avoir trop mangées de sacs plastiques. Ils s’amusent d’un rien, de cerfs-volants et de criquet. D’autres travaillent dure dans la misère d’une jeunesse invisible. Sans d’autre choix, certains défèquent et pissent à même les rues dans l’heure de pointe. Beaucoup se font adultes dans des corps d’enfants que la nécessité à fait vieillir trop vite.

 C’est une culture pour moi revisité. Cette impression de brume à toutes heures du jour que l’air épais brule dans l’horizon. Le vent remplit de particules sangsue mes yeux. La peau collante, noircie de crasse, je joue du coude avec rickshaws, camions et trous. S’accumule une foule peu importe l’endroit où je me pose. Des yeux curieux, des mains qui touchent. Des gestes parlent pour tout langage, le chai se boit de se comprendre. Taillé sa place, donné son droit aux vaches sans poil, éviter les collisions. Des chameaux tatoués de signes tribals tirant des charrettes de foin me dépassent sur l’autoroute. Et un matin, cet éléphant le visage peint surréalise mon bout de chemin.

 C’est un bouillon où les contrastes abondent les yeux, piquent les sens. L’odeur de l’encens côtoie celle de déchets que l’on brule à ciel couvert. D’incomparables sourires d’enfants. D’autres la mort au trousse, des membres en moins, des mouches aux yeux. Des villes que l’on étouffe sous les ordures et le temps des moissons se fait à la serpe sur des odeurs de mangues dans la campagne. La fumée noire des cheminées; des briqueteries à l’infinie. Les pétales de fleurs au pas des portes de chaque maison. Des guirlandes de fleurs aux parebrises des voitures. Des fleurs sur l’eau des fleuves, dans les cheveux des femmes. Vivre de peu, surtout de rien et faire avec. Hocher la tête de gauche à droite pour toutes réponses. L’Inde, tu es sans pareil de par le monde.

Comme tu es laide… comme tu es belle…

2012/04/13

L'Oman




 C’est un printemps de fournaise dans un Oman de feu. Sous les tropiques du Cancer, les matins se sont fait tôt pour de longs après-midis dans l’ombre…

 Ce lever avant le soleil qu’une fois sortie étire mon ombre loin derrière mes roues. Me vient en tête sur ces matins chauds des souvenirs du temps des cerises. Ma peau est devenue cuirasse, je bois sans cesse, me gave d’eau et ne pisse plus. Dans ce pays énorme que peu de gens habitent, les hommes ont la nonchalance aux bouts des manches. La démarche tranquille et ce chapeau finement brodé sur chaque tête fait l’identité de tout un peuple. À l’ombre des  maisons blanches, des mains se lèvent, me saluent. Des sourires s’adressent à mon passage. C’est un pays où la famille est à l’honneur et l’authenticité est bien placée.

 Le jour s’étire comme le matin monte. Mon ombre s’enjambe, se fait discrète sous les rayons. Défilent des terres de côtes que la mer partage en abondance. S’étalent des terres de sable que divaguent des ânes sauvages dans le lointain. Contrastent des terres abruptes que l’homme cultive au bout de gorges profondes. Entre deux tranches de montagnes s’accumulent de l’eau précieuse dans un pays où il ne pleut pas. Dans ces ``wadis``, des canaux d’irrigations ingénieux imbibent une sécheresse d’un vert épais. Y poussent des palmiers aux dattes hautes, des bananiers de feuilles géantes et des manguiers parfumant l’air.

 À la verticale du jour le soleil est un coït. Je cherche de l’ombre du bout des yeux. Trouve un arbre, me cache de sous ces branches, C’est l’heure de la sieste dans un Oman immobile qu’une température brulante empêche de tout. Lorsque les arbres se font ailleurs, j’aime à me réfugier dans ces casse-croutes de bord de routes. Dans un  minimum de meubles, un ventilateur déplace lourdement un air gommant. Tenu à l’indienne sur des odeurs d’oignons et de chai, j’écris en attendant plus frais. Sonne quatre heure et m’en retourne dehors. M’en retourne aux fourneaux…

 Le soleil descend; mon ombre prend les devants. Ma peau perd de son eau à mesure que le pays peint ses paysages couleur d’ambre. Lorsqu’enfin le soleil tombe dans la mer il bouille les plages de ces rayons. Des plages vierges, minées de trous que des tortues géantes creusent la nuit. Trainent dans le sable des coquilles molles que des nouveau-nés en carapace ont dû brisés pour aller toucher les eaux bleues d’une mer chaude.

 Suivant la côte, la nuit s’installe et Muscat se love sur bien des anses. De sur ma plage, la lune si douce est bienvenue. De ses immeubles et ses reflets, la capitale se fait blanche dans la nuit. Il me reste peu de temps pour voir du propre, de l’impeccable. Marcher du neuf sans pollution. Mais déjà je pense à ces endroits sales qui plafonnent ma mémoire. Un bouillon déjà bu. L’excitation d’un pays que j’ai gouté me remonte en tête.

Demain, je pars pour l’Inde quittant l’Oman et le Moyen-Orient.
Demain, je pars pour le Pays-Fou!

2012/04/05




 De ces quelques semaines j’ai bougé très peu. Quelques semaines pour aller nulle part. Pour faire autrement que sur deux roues. Quelques semaines chez des amis de longues dates. Si loin des terres de souches et pourtant je me repaysage de visages familiers.

 Passer des jours de petits projets sous ce grand toit à vive allure. Prendre le temps que je ne trouve autrement. Tirer sur papier grand format des portraits de ce voyage et des histoires s’imprime sur des visages. Des images qui désormais m’habitent et l’envie d’en parler me prend. Devant public, je donne trois conférences grisantes qu’une longue préparation à portée fruits.

 Faire de l’inertie de pures plaisirs. Retrouver le vrai café que j’instantanais depuis nombreux pays. Les soirs, aiguiser ses papilles sur des repas gastronomes que des millésimes parfaits accompagnent dans de grandes coupes. En découle de nonchalantes discussions. Explosent des rires sur le confort de coussins à même le sol. Ces amis je les aime tant avec qui le quotidien est fait de jeux. Avec eux, le rire sonne les minutes. Jouer sans peine et en tout temps. Le bonheur facile, l’aventure au fond des veines. Nous formons un trio de feu que nos projets alimentent des braises de passions. Hélas, le temps s’est fait vite voir occupé. Déjà je m’en retourne soliste dans un renouveau de départ que le printemps fera fournaise.

 À vous tous, vieilles branches de par le monde, avec qui l’amitié sonne juste. Je vous embrasse et pense à vous sur mes chemins de la bohême. L’amitié  n’est en rien la fréquence des rencontres mais bien la direction que prennent deux vies.

Bon vent à tous. Bon baisé du printemps…


2012/04/02



 C’est dans le creux d’une coque d’acier que j’ai flotté les eaux du golfe Persique pour un pays où je ne pensais jamais mettre pieds. Je ne pouvais m’imaginer toute l’étrangeté des Émirats Arabes. Massive démesure et d’étonnants changements contrastant l’Iran que tout d’abord je reconnus dans une absence de déchets.  L’endroit est immaculé, d’une propreté surréelle. Les sacs plastiques ne flottent nuls part et pousse du vert en plein désert. Du gazon phosphorescent bordent de grands boulevards. Des fleurs multi-couleurs centrent les ronds-points que l’on arrose en abondance. La folie des grandeurs s’étale et avale des tronçons de sable dans ce Las Vegas islamique. Une myriade d’immeubles hauts et forts, pour la plupart miroirs, poussent dans ce sable infertile et salé. Ces villes-vertiges arrosées à l’or noir défient les lois de la gravité. Grimpent des tours aux formes folles, grattent le ciel à n’en faire baver tout architecte.

 C’est un pays où l’on sépare le sel de l’eau afin de la boire. Un pays où l’on fabrique des plages d’un sable fin à l’aide de machines flottantes. De nouvelles plages chaque semaine s’installent en bordure de grandes façades commerciales. Là où il n’y avait rien de grands projets prennent formes dans un futur qui semble avoir oublié ces propres limites. Un pays qui se veut disponible de tout. Un pays neuf que le pétrole à fait possible. Un pays, pour moi, vide de l’authentique pour cause d’avoir grandi trop vite.

 C’est un pays à prime abord parfait qui sonne creux après un temps. Une bulle fragile sur laquelle l’on pavane ses richesses. Devant tous étaler son pesant d’or et ses jouets. Se plaire dans l’excès. Pour deux Émiraties, huit étrangers. La plupart venus de pays pauvres et surpeuplés que la nécessité à déplacée ici. Ils sont nombreux, majoritaire, à travailler pour peu. Venu chercher l’eldorado et prêt à tout pour un salaire de petite somme. Au matin, la ville prend du coffre, se gorge de tous ces travailleurs débordant des autobus blanches. Ils montent chaque jour de quelques étages des édifices déjà bien hauts.  Dans leurs yeux perlent l’envie. Sont-ils heureux… ont-ils quitté pire… trouvé mieux? Le jour tirant vers le bas, ils s’en retournent dans des camps loin du visible en plein désert. Des camps dans du vide. Des camps sans vert ni fleurs. Des camps d’hommes et leurs familles ailleurs attendent en terre natale. Le parfait porte son prix et pousse une charrue doré devant des bœufs-mirages. Un pays qui sans eux ne serait que poussière, soleil et vent.

 Réaliser que ce territoire c’est fait pays il y a à peine 50 ans. S’imaginer une vie nomade où l’on survivait de peu, de dattes, de perles et de chameaux. 50 ans, c’est peu pour effacer ces origines. 50 ans pour y  noyer dans le pétrole toute sa culture. N’en reste rien que beaucoup de ``shopping malls`` ont remplacés. N’empêche l’air climatisé va me manquer!

Je m’en vais en Oman.
Là où le soleil cuit tout ce qui n’est pas dans l’ombre.
Je m’en vais faire de ma peau du cuir!