C’est un printemps de fournaise dans un Oman de
feu. Sous les tropiques du Cancer, les matins se sont fait tôt pour de longs
après-midis dans l’ombre…
Ce lever avant le soleil qu’une fois sortie
étire mon ombre loin derrière mes roues. Me vient en tête sur ces matins chauds
des souvenirs du temps des cerises. Ma peau est devenue cuirasse, je bois sans
cesse, me gave d’eau et ne pisse plus. Dans ce pays énorme que peu de gens
habitent, les hommes ont la nonchalance aux bouts des manches. La démarche tranquille
et ce chapeau finement brodé sur chaque tête fait l’identité de tout un peuple.
À l’ombre des maisons blanches, des
mains se lèvent, me saluent. Des sourires s’adressent à mon passage. C’est un
pays où la famille est à l’honneur et l’authenticité est bien placée.
Le jour s’étire comme le matin monte. Mon
ombre s’enjambe, se fait discrète sous les rayons. Défilent des terres de côtes
que la mer partage en abondance. S’étalent des terres de sable que divaguent
des ânes sauvages dans le lointain. Contrastent des terres abruptes que l’homme
cultive au bout de gorges profondes. Entre deux tranches de montagnes
s’accumulent de l’eau précieuse dans un pays où il ne pleut pas. Dans ces
``wadis``, des canaux d’irrigations ingénieux imbibent une sécheresse d’un vert
épais. Y poussent des palmiers aux dattes hautes, des bananiers de feuilles
géantes et des manguiers parfumant l’air.
À la verticale du jour le soleil est un coït.
Je cherche de l’ombre du bout des yeux. Trouve un arbre, me cache de sous ces
branches, C’est l’heure de la sieste dans un Oman immobile qu’une température
brulante empêche de tout. Lorsque les arbres se font ailleurs, j’aime à me
réfugier dans ces casse-croutes de bord de routes. Dans un minimum de meubles, un ventilateur déplace
lourdement un air gommant. Tenu à l’indienne sur des odeurs d’oignons et de
chai, j’écris en attendant plus frais. Sonne quatre heure et m’en retourne
dehors. M’en retourne aux fourneaux…
Le soleil descend; mon ombre prend les devants.
Ma peau perd de son eau à mesure que le pays peint ses paysages couleur
d’ambre. Lorsqu’enfin le soleil tombe dans la mer il bouille les plages de ces
rayons. Des plages vierges, minées de trous que des tortues géantes creusent la
nuit. Trainent dans le sable des coquilles molles que des nouveau-nés en
carapace ont dû brisés pour aller toucher les eaux bleues d’une mer chaude.
Suivant la côte, la nuit s’installe et Muscat
se love sur bien des anses. De sur ma plage, la lune si douce est bienvenue. De
ses immeubles et ses reflets, la capitale se fait blanche dans la nuit. Il me
reste peu de temps pour voir du propre, de l’impeccable. Marcher du neuf sans
pollution. Mais déjà je pense à ces endroits sales qui plafonnent ma mémoire.
Un bouillon déjà bu. L’excitation d’un pays que j’ai gouté me remonte en tête.
Demain,
je pars pour l’Inde quittant l’Oman et le Moyen-Orient.
Demain,
je pars pour le Pays-Fou!