Passé au travers de l’Europe, je traverse de
minuscules pays. Remonte dans le temps à mesure que l’Est prend sur moi.
Enjambe des frontières, ces lignes imaginaires, que l’on me confirme avec des
étampes dans mon passeport.
À peine franchie, la Serbie me plut dès le
premier coup d’œil. Des maisons de briques beige s’alignent sur deux rangs. Les
courts se portent à l’avant. Des piles de briques partout feront des murs plus
tard. Des tas de tuiles en miettes ont fait des toits jadis. Au sol, des
roulottes en jachère sont figées à même les champs et d’autres s’enracinent
dans les boisés. Les chevaux se prennent pour des tracteurs. Ils ont repris le
travail, le dur labeur. Tirant derrière eux de gros outils de bois. Des griffes
de feuillues plongées à même la terre retournent les sols ayant donnés
moissons.
Une Serbie rurale à perdre de vue. De grands
espaces sans fond accueillent des cultures de toutes saveurs. Une fois la
récolte engrangée, l’on met le feu aux champs sur des kilomètres entiers. Des
cendres pour l’an prochain et la nuit les flammes éclairent le ciel. Des feux
sur de grandes distances parsèment le noir. Valsent avec la nuit. L’odeur du
foin qui se consume à mon passage. L’automne tire sur sa fin.
Des feux de joie m’accompagnent sur ces
chemins de campagnes. Des hommes et des femmes, le regard franc, me regardent
passer en silence. Des mains rudes se lèvent et me salut. Des gens de peu sans
être pauvre et des choux partout. Des choux dans les jardins; des camions
pleins. En pyramide aux bords des routes. Des choux pour l’hiver prochain.
Un pays où les gens vivent encore de leurs
récoltes. Un pays qui contrairement à d’autres n’a pas le luxe de laisser
pourrir de ces fruits au sol. Le temps ici bat une mesure pour chaque saison.
Et dans les champs, en bords des routes, les pommiers seront récoltés encore
longtemps. En cette saison de toutes moissons, les matins gèlent et les
glaneurs sont roi…
En Serbie, les ponts se font désormais rares
car le Danube a les épaules larges. Belgrade en possède un que je traverse,
curieux d’aller découvrir la ville.
Belgrade de talons hauts et d’échiquiers. Sur
de grandes rues piétonnes bondées de passants pressés, les femmes sur des
échasses se pavanent. Elles évitent les trous de fausses fourrures au cou. De
sur ces même artères, les amuseurs publics se donnent en spectacle pour qui
veut bien prendre le temps de les apprécier. Tous ces axes dans un seul sens
m’amènent aux poumons verts de cette ville. C’est dans ce parc, perché sur les
remparts d’une ancienne forteresse, que tout Belgrade respire entre les
branches. Les vieux s’y échec et mat du matin au soir jouant du coude avec des
pions. Pour deux joueurs bien de curieux et ne joue pas qui veut. Tout s’anime
quand les tours s’en mêlent et toujours le silence lorsque le roi tombe. De ces
quelques jours d’arrêt, j’ai flâné avec en tête des fous, des pions et nulle
reine. Quelques jours à débouler des rues bouillantes avec en guise de
métronomes des talons aiguilles sur les pavés.
Je perds la ville dans la brume d’Octobre. Reprends
la route, les feux aux champs en guise d’escorte. Les gorges ne sont plus bien
loin à présent.
Je m’en vais passer les Portes de fer…
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