L’hiver s’en suit, l’hiver sévit et dans ma
course je l’entraine vers l’Est. C’est officiel, la Turquie a refusé toutes
lignes droites. Elle décréta le plat global une perte d’espace. J’avance en
aveugle suivant les humeurs de cette vieille croute terrestre qui dans ces
plaques tectoniques cachent des courbes impossibles. Des courbes voilées sur
des cols de souffles courts. Des courbes bordées d’imprévus, cachant des
serpents de routes vers le bas.
Parfois, par temps froid, je m’imagine brûlé
par le soleil. M’imagine oiseau, flottant pour aller voir au-delà d’une butte.
L’hiver produit des jours où le vent n’a aucune pitié. Des jours où la nature
n’a rien pour moi. Des temps qui rongent l’essence même de ce voyage. Ce vent
de face lorsque de glace toujours me gruge, me décourage, m’enrage, me fait
douter. Je ferais des montées à l’infini pour t’éviter. Il me faut l’avouer,
j’ai sous-estimé les vents de Gorême. Crains les neiges de Cappadoce. Baissé la
tête, mordre du vide pour me retrouver un peu plus loin les soirs venus.
La neige s’empile dans l’altitude, elle
s’épaissit dans l’Est. Ces montagnes, vaste chaine, forment des paysages que
d’écrire est impossible. Des pics en blancs, des pics abrupts jouant des ombres
avec l’hiver. De larges vallées avec en fond petites rivières… grand débit.
Traversant de longs tunnels, je joue des échos avec ma voie. Chante sans gêne
dans les descentes. Le blanc des neiges s’efface; le vert aux feuilles se remet
en place. Des vergers de pamplemousses me picotent les yeux de courts instants.
Sur des odeurs d’agrumes, les pistachiers dorment dans une glaise rouge. Et ça
vallonne dans l’étendue…
Des quatre points je choisis l’Est. L’Est d’où
s’étire mon ombre de ses soleils couchants. L’Est qui s’appauvrit à vue d’œil…
à vue d’homme. L’Est différente, fervente, rude. Dans sa course démentielle le
vent roule, déboule sur ces terres de roches. Sur cette Mésopotamie aride,
berceau humain d’un autre temps. Des terres misent à nues que seuls quelques
bergers habitent. Devant, de grandes collines nues perdent l’horizon et les
chèvres maigres à mon passage beuglent. J’avance en terre Kurde. L’Iran n’est
plus bien loin désormais…
Encore un très beau texte que tu nous donnes là, ça m'a mis en colère contre le vent !!!
RépondreSupprimerSylvain
continue de rêver et de nous faire rêver
RépondreSupprimerFred le cyclonaute Bretonsuisse