2011/11/11



 Passé au travers de l’Europe, je traverse de minuscules pays. Remonte dans le temps à mesure que l’Est prend sur moi. Enjambe des frontières, ces lignes imaginaires, que l’on me confirme avec des étampes dans mon passeport.

 À peine franchie, la Serbie me plut dès le premier coup d’œil. Des maisons de briques beige s’alignent sur deux rangs. Les courts se portent à l’avant. Des piles de briques partout feront des murs plus tard. Des tas de tuiles en miettes ont fait des toits jadis. Au sol, des roulottes en jachère sont figées à même les champs et d’autres s’enracinent dans les boisés. Les chevaux se prennent pour des tracteurs. Ils ont repris le travail, le dur labeur. Tirant derrière eux de gros outils de bois. Des griffes de feuillues plongées à même la terre retournent les sols ayant donnés moissons.

 Une Serbie rurale à perdre de vue. De grands espaces sans fond accueillent des cultures de toutes saveurs. Une fois la récolte engrangée, l’on met le feu aux champs sur des kilomètres entiers. Des cendres pour l’an prochain et la nuit les flammes éclairent le ciel. Des feux sur de grandes distances parsèment le noir. Valsent avec la nuit. L’odeur du foin qui se consume à mon passage. L’automne tire sur sa fin.

 Des feux de joie m’accompagnent sur ces chemins de campagnes. Des hommes et des femmes, le regard franc, me regardent passer en silence. Des mains rudes se lèvent et me salut. Des gens de peu sans être pauvre et des choux partout. Des choux dans les jardins; des camions pleins. En pyramide aux bords des routes. Des choux pour l’hiver prochain.

 Un pays où les gens vivent encore de leurs récoltes. Un pays qui contrairement à d’autres n’a pas le luxe de laisser pourrir de ces fruits au sol. Le temps ici bat une mesure pour chaque saison. Et dans les champs, en bords des routes, les pommiers seront récoltés encore longtemps. En cette saison de toutes moissons, les matins gèlent et les glaneurs sont roi…
  
En Serbie, les ponts se font désormais rares car le Danube a les épaules larges. Belgrade en possède un que je traverse, curieux d’aller découvrir la ville.

 Belgrade de talons hauts et d’échiquiers. Sur de grandes rues piétonnes bondées de passants pressés, les femmes sur des échasses se pavanent. Elles évitent les trous de fausses fourrures au cou. De sur ces même artères, les amuseurs publics se donnent en spectacle pour qui veut bien prendre le temps de les apprécier. Tous ces axes dans un seul sens m’amènent aux poumons verts de cette ville. C’est dans ce parc, perché sur les remparts d’une ancienne forteresse, que tout Belgrade respire entre les branches. Les vieux s’y échec et mat du matin au soir jouant du coude avec des pions. Pour deux joueurs bien de curieux et ne joue pas qui veut. Tout s’anime quand les tours s’en mêlent et toujours le silence lorsque le roi tombe. De ces quelques jours d’arrêt, j’ai flâné avec en tête des fous, des pions et nulle reine. Quelques jours à débouler des rues bouillantes avec en guise de métronomes des talons aiguilles sur les pavés.

 Je perds la ville dans la brume d’Octobre. Reprends la route, les feux aux champs en guise d’escorte. Les gorges ne sont plus bien loin à présent.

 Je m’en vais passer les Portes de fer…