2012/01/23



Dans cette  nuit d’encre à l’écart du connu déborde des envies lointaines.
Des envies humaines… des souvenirs de vous se mélangent sous cette  nuit de glace.
Je ferme les yeux, descends en cave une bouteille de rouge en tête.
Un flacon mûr, le son du bouchon à l’ouverture.
Prendre un bain, un bain brulant. S’endormir dedans.
Le rouge décante, Morphée m’endort…
Une gorgée de pur délice. J’ai les doigts qui plissent.
Fermer les yeux; l’odeur du feu.
De bûche en braise, le bois crépite.
Craquent de chaude lumière. Ma peau chauffée à blanc par la fonte.
J’entends des voix, j’en ai envies, je pense à vous.
Seul dans ma tente, j’ai soudain chaud.
Mes amis, mon rêve, vous êtes d’une agréable compagnie.
Le temps s’étire sur des fuseaux horaires qui nous font distance.
Nos bras n’ont pas la longueur des continents mais vous êtes là.
Les yeux fermés, je peux vous voir.
Goutté ailleurs dans de grandes coupes.
Je me réchauffe à ces pensées et je m’endors.
J’y suis…


2012/01/19


  L’hiver s’en suit, l’hiver sévit et dans ma course je l’entraine vers l’Est. C’est officiel, la Turquie a refusé toutes lignes droites. Elle décréta le plat global une perte d’espace. J’avance en aveugle suivant les humeurs de cette vieille croute terrestre qui dans ces plaques tectoniques cachent des courbes impossibles. Des courbes voilées sur des cols de souffles courts. Des courbes bordées d’imprévus, cachant des serpents de routes vers le bas.

 Parfois, par temps froid, je m’imagine brûlé par le soleil. M’imagine oiseau, flottant pour aller voir au-delà d’une butte. L’hiver produit des jours où le vent n’a aucune pitié. Des jours où la nature n’a rien pour moi. Des temps qui rongent l’essence même de ce voyage. Ce vent de face lorsque de glace toujours me gruge, me décourage, m’enrage, me fait douter. Je ferais des montées à l’infini pour t’éviter. Il me faut l’avouer, j’ai sous-estimé les vents de Gorême. Crains les neiges de Cappadoce. Baissé la tête, mordre du vide pour me retrouver un peu plus loin les soirs venus.

 La neige s’empile dans l’altitude, elle s’épaissit dans l’Est. Ces montagnes, vaste chaine, forment des paysages que d’écrire est impossible. Des pics en blancs, des pics abrupts jouant des ombres avec l’hiver. De larges vallées avec en fond petites rivières… grand débit. Traversant de longs tunnels, je joue des échos avec ma voie. Chante sans gêne dans les descentes. Le blanc des neiges s’efface; le vert aux feuilles se remet en place. Des vergers de pamplemousses me picotent les yeux de courts instants. Sur des odeurs d’agrumes, les pistachiers dorment dans une glaise rouge. Et ça vallonne dans l’étendue…

 Des quatre points je choisis l’Est. L’Est d’où s’étire mon ombre de ses soleils couchants. L’Est qui s’appauvrit à vue d’œil… à vue d’homme. L’Est différente, fervente, rude. Dans sa course démentielle le vent roule, déboule sur ces terres de roches. Sur cette Mésopotamie aride, berceau humain d’un autre temps. Des terres misent à nues que seuls quelques bergers habitent. Devant, de grandes collines nues perdent l’horizon et les chèvres maigres à mon passage beuglent. J’avance en terre Kurde. L’Iran n’est plus bien loin désormais…

2012/01/14



 Aux quatre coins de ce pays, de long en large, nul ne peut ignorer ta personne. Tu es partout. Ton regard bleu sur des affiches s’impose. Ta posture silencieuse fait les podiums. Pose fièrement ton profile dans les chaumières. Des routes et des boulevards portent ton nom. Debout, ton corps de bronze centre les villes. Ta tête d’or aux sourcils fous encastre les détours de bien des murs. C’est à croire qu’avant toi il n’y avait rien. S’entrechoquent tes profiles sur les pièces de monnaies. Tu te trimbales dans les poches de tous les Turques.

 Mais qui étais-tu, Ataturk? Un homme aux idées à l’avant-garde de son temps. Tu marquas la Turquie d’un sceau bien moderne. Un vent nouveau au tournant d’un siècle bouillant. Tu donnas un nouvel étendard à ce pays changeant. Ataturk, le grand. Mais qui étais-tu vraiment? Un homme de guerre fier de son pays. Un politicien qui a fait de l’Europe son modèle. Tu enlevas le pont entre politique et religion. Tu es l’un des premiers à avoir donné une voie aux femmes. Tu remodelas la Turquie jusqu’à lui donner un nouvel alphabet. Tous t’idolâtre même si certains rêvent dans leurs barbes le temps d’avant ta venue.

 Ne reste de toi que les faits et les images. Ne reste de toi que le beau, le meilleur, le héros. Que dirais-tu de cette Turquie post-modernisée. Est-elle devenue la continuité de ta vision. En serais-tu fier? La défendrais-tu encore avec autant d’ardeur? A-t-elle tangué du bon côté; de ton coté ? Qu’en est- il de son identité, de son authenticité. Ne reste de toi que des statues. Hélas, elles ne sont pas bien bavardes. Tes images sont nombreuses mais c’est ta voie que j’aimerais entendre.

2012/01/07



 Prendre des vacances dans ce voyage. À mi-chemin faire une halte. Flâner ce mois sur mes deux pieds et ma bécane dans un garage attend la neige. Dormir de longs matins tranquilles. Un grand dortoir en guise de tente. Le menu des jours prochains sera léger. Des soirs à boire et à manger. Des soirs à s’étourdir la tête, à s’engourdir les sens, à se remplir la panse. Fondu Chinoise, mousse au chocolat, billard et bière. Je lis pieds nus, je me prélasse. Tombe la pluie de sur mon toit et je souris d’en avoir un. Un brin coupable dans la nonchalance. Ces mois remplis d’action sont devenus ma dépendance. Se réhabiliter à la marche un sac au dos. Marcher pour le simple plaisir d’une vue. Marcher sans la moindre destination. Prendre des bus, des taxis, des avions, des métros. Rouler en mobylette pour s’endormir dans un hammam. Jouer, ne faire que cela, en compagnie de vieilles branches. Venus de loin, des amis de longues dates sont avec moi et Noel aura été blanc cette année.

 Finir cette mi-temps à Istanbul, la gigantesque. Siéger la ville des jours durant. Une carotte au bout du nez; un visa, précieux papier. Ce visa, du moins son ombre, fait des longueurs sur les eaux vague du World Wide Web. Dans l’attente, lassé en rien, lentille en main, je marche la ville. Cherche des moments à fixer en images. Puis un matin, cette étampe pour l’Iran je l’ai enfin. Mes cuisses me démangent. Il ne me reste qu’à retourner en Cappadoce.

 Cette Cappadoce que je ne comprends toujours pas. Un paysage de fées, percé de trous jadis maisons d’hommes, maisons d’oiseaux. Un monde en rose et jaune que des montgolfières survolent matins et soirs. Planent ces ballons que de grandes flammes gonflent au-dessus d’une terre de tours taillées par le vent… trouées par l’homme. Demain, je quitte ces églises cachées au bout de longs tunnels et ces pigeonniers gratte-ciels.

 Je reprends la clef des champs, j’en ai envie. Mes cuisses ne veulent plus de l’inertie. Je reprends du service. Le retour en selle me donne des papillons au ventre.