2012/03/18



 Faire de ce voyage un plaisir pour mes yeux que l’odeur du vent transporte dans mon dépaysement. Au bout de l’effort ce gout métallique me vient en bouche lorsque le soleil tombe sur des lieux différents pour chaque jour. Des mois de bourlingue pour de fines secondes d’extases. Des mois pour des détails. La perfection dans des regards… la perfection sur de courtes distances. La simplicité d’avoir du temps pour des moments d’une précision intense. Comparer ma vie inévitablement à d’autres. Rouler à même le pouls d’un peuple. Battre une mesure aux rythmes sans cesse changeant. Dans les échanges de petits riens trouver de grands tout. Réaliser que le monde peu importe l’endroit se ressemble dans ces interactions humaines.

 Réaliser qu’avoir des choix n’est pas à la portée de tous. De simples choix comme celui de lire un livre. N’importe lequel peu importe son contenu. Avoir le choix de ces habits. Ne pas être contraint dans des tissus sociales à contre ces envies. Choisir sa religion et les ennemis qui viennent avec ou ne pas en avoir tout simplement. Le choix des discussions, des opinions contre un système. Être en droit de crier haut et fort les inégalités sociales de sa nation. Ne pas avoir peur de la prison, ne pas mourir pour des idées. Ne pas ressentir de répression autour de soi. Ne pas être prisonnier dans son propre pays. Ne pas se cacher pour ces idées. Avoir accès à toute l’information. Connaitre la complicité d’une femme. Faire d’une vie ou d’une nuit un accord mutuel. Jouir sans tabou, ne pas se cacher pour un baiser. Ne pas se cacher l’un à l’autre. Ne pas être pendu pour l’adultère. Ne pas être pendu pour bien des choses. Avoir le choix de quitter son pays lorsqu’il court à sa perte. Choisir de ne pas faire la guerre…

 Et moi qui pensais que la chance n’est en rien la conséquence de nos vies. Mais je n’ai pas choisi le pays de ma naissance. N’ai eu aucun contrôle sur mon éducation, mes parents, ma famille. Le monde est inégal, se fait cruel sur maintes facettes. Inégale car nombreux sont ceux sans choix et pour la chance, ils n’en ont jamais eu! Avant de porter jugement sur une personne ou tout un peuple, pour des actions qui me semble données dans l’illogique et l’irrationnel, je tente de remettre en perspective ces deux facteurs. Ont-ils le choix de leurs actions et qu’en est-il de cette chance que j’ai eu moi!

2012/03/06


  Ne pas oublier cette fillette dans la mosquée de Qom. Où les femmes en noire contrastaient des murs brulés par le soleil. De sur sa tête, sur tout son corps, elle portait un drap blanc picoté de fleurs. Ne reconnaissant en rien toute la signification de ce bout de tissus, elle gambadait souriante. S’amusant avec les ombres, l’innocence au fond des yeux, entre les minarets et les lumières de midi.

 Se rappeler de ce fermier rencontré dans un village perché entre deux déserts. Cet homme le quart de siècle dans les veines qui dans la parole, de tous ces gestes, de ces manières émanait son attirance pour les hommes. Il ne peut que cacher ce grand secret silencieusement emprisonné dans sa propre personne. Son corps une prison et ses envies un impossible des grands jours. L’homosexualité, se refoulant, fera mariage bien décevant.

 Ne pas oublier ces hommes aux mains habiles dans les bazars de basses lumières. Jouant du cuir et des métaux pour en faire de beaux objets. Des artisans chauffant à blanc de vieilles casseroles; une flamme de jouvence à même le sol. Se mélange dans l’air des vapeurs toxiques aux odeurs de viandes de chameaux. Les gens vivent de peu dans de vieilles villes sales et polluées. Travaillant de tous leurs corps, ils en arrachent pour survivent. De ces villes s’échappent les déchets qui flottent dans le désert.

 Se rappeler des femmes dissimulant les courbes de leurs corps d’un voile noire une fois dehors. D’une cape elles cachent des formes ici taboues. Je ne suis pas en droit de leurs adresser paroles. Elles ne sont ni ma sœur,  ni ma femme, ni ma mère. Parfois nos yeux se croisent mais ne se comprennent pas. Des yeux de rêves pour un corps secret. Les hommes et les femmes forment deux clans se donnant distances l’un envers l’autre. Ils se connaissent à peine dans ce pays où l’autre sexe reste mystère.

 Ne pas oublier que l’Iran est un pays grandiose de ces espaces vastes et beaux. Se rappeler de chaque personne rencontrée sur les routes et les repos. Tous m’ont portés des regards très curieux pour des sourires de tout temps. De dans leurs mains coulaient des gestes généreux. Mais la parole-libre manque et la liberté d’expression s’est enfuit il y a longtemps. Un pays où l’on ne peut que chuchoter de graves vérités et l’habitude des non-dits fait la routine. Un pays où partout les murs peints de longs slogans nous rappellent qui sont les maîtres. Ces grands manitous…pour moi des fous. Le choix est une chimère et la guerre, cette poigne de fer, se referme lentement dans l’isolement. L’information est rare et dans le noir l’attente est longue. N’ayant d’autre choix, ils attendent les mains liés que quelque chose se passe. Ils attendent…  entendent des rumeurs de révoltes venant du voisinage. Impuissant, ils attendent une guerre qu’ils n’ont pas choisie et que personne ne veut.